Introduction
La popularité croissante des cryptomonnaies suscite un intérêt particulier pour les ménages en quête de rendements rapides. Il faut, en effet, admettre que la majorité n’est pas là pour la « tech ».
L’investissement n’est évidemment pas sans risque. Lors du bullrun en 2017,les médias avaient relayé l’histoire de ce couple qui avait revendu sa maison pour investir dans le bitcoin mais qui avait finalement perdu la majorité de ses économies lorsque la bulle avait éclaté.
Entre réalité et promesses de gains rapides, certains influenceurs, personnalités, professionnels ou encore escrocs — ces catégories pouvant se confondre — ont saisi cette opportunité pour promouvoir les cryptomonnaies, en ce compris les Ponzi, auprès de leur audience. Le risque est minimisé ou simplement effacé du discours alors que l’audience est souvent composée de personnes vulnérables et de mineurs d’âge.
Allant de pair avec la popularité croissante des cryptomonnaies, les escroqueries sont également en forte hausse.
Face à ce phénomène, la question de la protection du consommateur se pose avec un certain degré d’urgence.
La FSMA vient d’adopter un règlement visant à encadrer la publicité des crypto-actifs auprès des consommateurs. L’arrêté royal portant approbation du règlement a été publié le 17 mars 2023.
Dans cet article, nous allons partir à la découverte de ce règlement, son champ d’application (I), les formes de la publicité et les mentions obligatoires (II), le contrôle a priori et a posteriori de la FSMA (III), l’application extraterritoriale (IV), et enfin son entrée en vigueur et le délai de régularisation (V).
Champ d’application
Le règlement de la FSMA s’applique aux publicités diffusées auprès des consommateurs lors de la commercialisation, à titre d’activité professionnelle habituelle ou à titre occasionnel contre rémunération, de monnaies virtuelles en Belgique.
Nous relevons sept conditions :
- Des publicités diffusées ;
- Auprès des consommateurs ;
- La commercialisation ;
- De monnaies virtuelles ;
- La commercialisation se fait à titre d’activité professionnelle habituelle ou à titre occasionnel ;
- Contre rémunération ;
- En Belgique.
- Une monnaie virtuelle
La FSMA a fait le choix des termes « monnaies virtuelles » et de les définir au sens de la loi anti-blanchiment (article 2,40° de la loi du 2 août 2002) :
« Représentations numériques d’une valeur qui ne sont émises ou garanties ni par une banque centrale ni par une autorité publique, qui ne sont pas nécessairement liées non plus à une monnaie établie légalement et qui ne possèdent pas le statut juridique de monnaie ou d’argent, mais qui sont acceptées comme moyen d’échange par des personnes physiques ou morales et qui peuvent être transférées, stockées et échangées par voie électronique ».
Les NFT et les monnaies virtuelles qualifiées d’instruments de placement au sens de la loi du 11 juillet 2018 ne sont pas visés.
La publicité de notoriété n’est en revanche pas interdite. La publicité de notoriété implique de promouvoir le nom ou le logo d’un prestataire sans faire explicitement référence aux monnaies virtuelles. Cependant, une plateforme qui ne propose que des monnaies virtuelles ne peut profiter de cette exclusion.
Qu’en est-il de Tezos sur le maillot de Manchester United ? La monnaie virtuelle et la blockchain constituent-elles un ensemble indissociable ?
La publicité
La publicité consiste à faire la promotion de l’achat d’une monnaie virtuelle. Aucune forme de diffusion n’est spécialement ciblée, de sorte que le règlement s’applique tout aussi bien aux panneaux publicitaires physiques qu’aux photos et vidéos diffusées sur les réseaux sociaux par vos influenceurs préférés.
La commercialisation
La commercialisation est la présentation de la monnaie virtuelle afin d’inciter le consommateur à l’acheter.
Les consommateurs
Il s’agit du consommateur au sens de l’article I.1, alinéa 1er, 2°, du Code de droit économique.
La notion de consommateur ne nécessite pas de développements particuliers.
Pour évaluer votre profil d’investisseur, rendez-vous ici.
Activité professionnelle ou occasionnelle contre rémunération
Le champ d’application du règlement est très large. Il s’applique non seulement aux personnes qui font de la commercialisation de monnaies virtuelles leur activité professionnelle (à titre principal ou accessoire), mais également à celles qui en font la publicité de manière occasionnelle contre rémunération.
Le commentaire du règlement précise que la notion de rémunération s’entend de tout avantage économique quel qu’il soit, étant précisé que le débiteur de la rémunération n’importe pas.
Sont ainsi visés :
- Les personnes qui commercialisent de la monnaie virtuelle qu’ils détiennent auprès de consommateurs et qui diffusent de la publicité ;
- Les plateformes d’échanges ;
- Les intermédiaires au sens large qui se limitent à faire de la promotion pour une monnaie virtuelle contre rémunération ou avantage quelconque.
Il en résulte que le règlement ne s’applique pas à la commercialisation faite entre consommateurs.
En Belgique
Les obligations du règlement ne sont imposées que pour autant que l’activité soit dirigée vers la Belgique. Cela va sans dire que ce n’est pas uniquement le résident belge qui est visé.
Par conséquent, un influenceur basé à Dubaï, s’il a une partie de son audience en Belgique, devra également se conformer.
De son côté, Binance a déjà annoncé qu’il se conformera au règlement.
Généralement, la publicité destinée au grand public, sans autre précision, sera considérée comme étant une activité dirigée vers la Belgique.
Néanmoins, la FSMA a précisé que ses efforts seraient concentrés sur les acteurs importants et les publicités ayant un lien particulièrement étroit et évident avec le public belge.
Les formes et les mentions obligatoires
La mention suivante doit être intégrée dans chacune des publicités, quel que soit le format :
« Monnaie virtuelle, risques réels. En crypto seul le risque est garanti ».
Ce slogan est une manière supplémentaire de stigmatiser les crypto-actifs, comme s’ils étaient plus risqués que d’autres produits investissements.
De manière ironique, au moment de la rédaction de cet article, ce sont les banques qui éprouvent des difficultés, ce qui remet en question la prétendue sécurité supérieure des produits d’investissement proposées par ces dernières.
Mais ça ne s’arrête pas là. Un avertissement supplémentaire doit être intégré dans la mesure du possible dans la publicité ou faire l’objet d’un lien donnant accès à celui-ci :
« Avertissement :
La valeur de vos monnaies virtuelles peut varier de manière très importante à la hausse comme à la baisse et le montant que vous investissez peut être entièrement perdu ;
Les monnaies virtuelles ne sont pas couvertes par les systèmes de garantie des dépôts bancaires ;
Aucun mécanisme légal permettant d’éviter les manipulations de marché ou les délits d’initiés n’a été mis en place sur le marché des monnaies virtuelles ;
Les monnaies virtuelles sont entièrement dépendantes d’une technologie et d’une infrastructure informatique spécifique, qui peut dans certains avoir été développée très récemment et être encore insuffisamment testée ;
En cas de perte de l’identifiant ou du mot de passe permettant d’accéder au portefeuille virtuel où sont stockées les monnaies virtuelles, ces dernières seront définitivement perdues ;
L’acceptation des monnaies virtuelles comme moyen de paiement est actuellement limitée et il n’existe dans la très grande majorité des pays aucune obligation légale de les accepter ;
Pour plus d’informations concernant les risques liés à un investissement en monnaies virtuelles, nous vous recommandons de lire la page Wikifin Qu’est-ce qu’une cryptomonnaie ? ».
Enfin, si une personne physique ou morale figure dans la publicité, la mention suivante doit être intégrée :
« XX reçoit une rémunération de ZZ pour la diffusion de cette publicité. ».
Ces informations doivent être présentées de manière lisible, dans le même format que le reste de la publicité et au début de chacune des publicités.
Naturellement, la publicité ne peut être trompeuse ou inexacte. Il n’est pas question de travestir, minimiser ou occulter les avertissements.
L’obligation de notification
Par principe, le contrôle de ces publicités s’opère a posteriori et ne nécessite aucune démarche de la part de l’auteur de la publicité.
Les données liées à la publicité (copie de la publicité, liste des médias de diffusion, copie des contrats) doivent être conservées pendant une période minimale d’un an suivant le début de la diffusion.
La FSMA ne dispose certainement pas des moyens humains et techniques pour effectuer ce contrôle de manière efficace compte tenu du nombre incalculable d’annonceurs et de canaux de diffusion, et le caractère éphémère de ces publicités.
Pour remédier à cette difficulté, une obligation de notification préalable à la FSMA est imposée pour les campagnes de masse, étant précisé que la notion de campagne de masse vise la diffusion de publicités auprès de 25.000 consommateurs au moins.
À l’ère du numérique, les 25.000 consommateurs sont facilement atteints. Sont ainsi irréfragablement présumés constituer une campagne de masse :
Les publicités diffusées sur le réseau social d’une personne disposant d’au moins 25.000 followers ;
Les publicités visibles depuis la voie publique ou une infrastructure accessible au public (stade, gare, …) ;
Les sites internet accessibles au public.
L’obligation de notification pèse sur la personne qui détermine le contenu de la publicité et doit être réalisée au plus tard 10 jours avant la diffusion de la publicité.
Il est question de notification et non d’approbation: le débiteur de l’obligation doit uniquement avertir la FSMA, sans attendre son accord pour la diffusion
L’application extraterritoriale du règlement
La FSMA dispose des prérogatives prévues aux articles 33 et suivants de la loi du 2 août 2022. Elle peut prendre dans ce cadre les sanctions visées par l’article 36 de cette même loi.
Dès lors que sont visées les publicités diffusées vers la Belgique, se pose la question de l’application extraterritoriale du règlement, qui s’impose aux personnes situées en Belgique, dans l’Union européenne mais également en dehors.
Par conséquent, la FSMA est théoriquement habilitée à sanctionner l’auteur d’une publicité exerçant son activité en dehors de la Belgique.
Force est de constater que, d’une part, l’obligation de notification préalable atteindra difficilement sa cible en dehors de la Belgique et que, d’autre part, l’exécution des sanctions s’avérera également difficile en pratique.
Enfin, il y a lieu de préciser que ce règlement pourrait rentrer en conflit avec la législation d’autres États.
Entrée en vigueur et délai de régularisation
Le règlement entrera en vigueur le 17 mai 2023.
Une période de régularisation est prévue pour les publicités diffusées avant l’application du règlement, lesquelles devront être mises en conformité au plus tard le 17 juin 2023.
Conclusion
Le règlement adopté par la FSMA a pour objectif de protéger les consommateurs belges des publicités mensongères et trompeuses sur les monnaies virtuelles, qui peuvent entraîner des conséquences financières dramatiques.
Cependant, le choix des mots fait remonter à la surface, une fois de plus, l’intention de blâmer les crypto-actifs.
Il est important de noter que l’obligation de se conformer au règlement s’applique également aux personnes et aux entreprises étrangères, pour autant que leur activité soit dirigée vers la Belgique.
Enfin, le règlement prévoit une obligation de notification préalable à la FSMA pour les campagnes de masse, ce qui devrait permettre de mieux contrôler les publicités sur les monnaies virtuelles et de protéger les consommateurs contre les pratiques frauduleuses.
Bien que des défis tels que l’application extraterritoriale et la difficulté de faire respecter les sanctions existent, ce règlement est un pas important pour la protection des consommateurs dans le domaine des cryptomonnaies.
Si certains verront ce règlement comme étant une énième stigmatisation du secteur des crypto-actifs, d’autres se réjouiront que ce ne soit pas une interdiction pure et simple de faire la promotion des monnaies virtuelles. Un règlement similaire mais bien plus restrictif est actuellement discuté en France.