Cet article a été rédigé par Florian Ernotte, avocat spécialisé en droit fiscal, très actif dans la communauté crypto et qui a notamment rédigé le 1er e-book consacré à la fiscalité des cryptomonnaies.
Actuellement, les comptes que vous détenez chez Binance et sur lesquels vous avez déposés des crypto-actifs ne doivent pas être déclarés, mais il y a des circonstances pour lesquelles il s’imposera à vous de le faire…
Le statut actuel de Binance en Belgique
L’obligation de déclaration des comptes étrangers ne s’appliquent qu’à des comptes « de toute nature » visés par la législation.
Ainsi, la note explicative sur la communication des comptes étrangers au PCC précise que le terme « compte de toute nature » a un sens très large.
Il couvre notamment les comptes d’espèces, les comptes d’épargne, les comptes de placement à terme, les comptes-titres, les comptes liés à un crédit hypothécaire ou tout autre forme de crédit, etc., pour autant qu’un tel compte existe ou ait existé auprès d’un établissement de banque, de change, de crédit ou d’épargne établi à l’étranger.
C’est donc la nature de l’établissement où sont détenus les crypto-actifs qui doit être examinée et analysée.
A ce jour, bien que Binance détient notamment un enregistrement comme prestataire de service en actif numérique en France, Binance ne peut être considéré comme un établissement de banque, de change, de crédit ou d’épargne établi à l’étranger.
Ces notions impliquent d’obtenir une autorisation spécifique auprès d’un régulateur. À ce jour, les licences que Binance détient ne sont pas considérées comme entrant dans le champ d’application de la législation imposant la communication des comptes étrangers.
En fonction du statut de l’établissement où sont détenus les crypto-actifs, certains portefeuilles crypto sont actuellement soumis à l’obligation de communication au PCC, d’autres non.
Néanmoins, j’ai précisé que le compte sur lequel est déposé des crypto-actifs chez Binance ne doit pas être déclaré.
La réponse du Ministre des Finances
Le Ministre des Finances belge a confirmé cette interprétation dans sa réponse à une question parlementaire en février 2022.
Il indique en effet que :
Les comptes étrangers devant être mentionnés dans la déclaration à l’impôt des personnes physiques sont définis d’une façon très large dans le CIR comme tout compte de toute nature détenu auprès d’un établissement de banque, de change, de crédit et d’épargne établi à l’étranger.
Les notions d’établissement de banque, de change, de crédit et d’épargne sont des notions réglementées dans la réglementation financière. A ma connaissance, la quasi totalités des plateformes d’échanges centralisées ne disposent pas du statut d’établissement de banque, de change, de crédit et d’épargne.
Cette conception est d’ailleurs confirmée par le ministre qui indique que :
La détention de cryptomonnaies sur un portefeuille qui n’est pas proposé par un établissement de banque, de change, de crédit ou d’épargne échappe à toute réglementation et constitue un risque particulier. »
Il est donc nécessaire de vérifier si la plateforme d’échange dispose d’un statut particulier.
Le cas classique concerne REVOLUT qui dispose, outre d’une autorisation de vendre des crypto-actifs, d’une autorisation pour fournir des services bancaires plus « traditionnelles ». Dans ce cadre, les personnes disposant d’un compte crypto chez Revolut devront le déclarer, même s’il n’utilise pas leur compte « courant ».
Il est d’ailleurs déjà déclaré dans le cadre des obligations financières traditionnelles (cfr CRS).
Si je dispose de monnaies fiduciaires sur Binance ? La réponse est-elle différente ?
A mon avis : non. il convient cependant d’être prudent et une analyse de votre situation doit être réalisée.
En effet, selon les informations disponibles sur le site du SPF FINANCES, les comptes Paypal ou Google ne doivent pas être déclarés sauf si des sommes d’argent subsistent sur ces comptes au-delà du délai strictement nécessaire du point de vue technique pour effectuer les transactions ou qu’ils sont utilisés pur une activité professionnelle.
Bien que Paypal et Google disposent de licence bancaire, on pourrait considérer qu’un compte Binance comprenant des monnaies fiduciaires tomberaient dans cette exception.
Comment déclarer mon compte Binance ?
La banque nationale de Belgique propose une page détaillée pour déclarer ses comptes à l’étranger.
Pour le compte Binance, il est recommandé de renseigner l’adresse e-mail utilisée pour vous connecter à votre compte Binance.
Dois-je déclarer ma carte Binance et mes dépenses cartes ?
Il n’y a pas d’obligation de déclarer une carte de crédit.
Néanmoins, pour pouvoir utiliser une carte de crédit Binance, cela signifie que vous disposez d’un compte Binance. Dès lors, en fonction de votre situation personnelle, vous devrez peut-être déclarer votre compte selon les explications mentionnées ci-dessus.
En ce qui concerne les dépenses effectuées avec votre carte, il s’agit d’une réalisation d’une plus-value.
En effet, pour dépenser vos crypto-actifs avec votre carte de crédit, vous avez dû en acquérir.
En payant des biens ou des services avec votre carte de crédit, vous convertissez vos crypto-actifs en monnaie fiduciaire.
Cela implique donc d’examiner si vous avez réalisé une plus-value. Il y aura une plus-value si la valeur de conversion/vente de votre crypto-actif est supérieur à sa valeur d’achat/acquisition.
Grace à la traçabilité d’une blockchain, vous pouvez facilement calculer les plus-values réalisées avec vos crypto-actifs.
En Belgique le service Waltio existe pour vous faciliter cette tâche.
L’état de la régulation de Binance en Belgique.
A ce jour, Binance dispose de plusieurs entités qui sont régulées dans différents pays européens. En Belgique, Binance ne dispose d’aucune licence ou autorisation.
Cependant, grâce à a son enregistrement en France, Binance peut opérer en toute légalité en Belgique.
Dans un futur proche, un règlement européen, le règlement MICA, viendra harmoniser les règles applicables à de nombreux prestataires de services en crypto-actifs, comme Binance.
Comment déclarer mes revenus cryptos
En matière de crypto-actifs, on distingue les revenus des plus-values.
Les plus-values sont les sommes obtenues à la suite de la vente ou de la conversion d’un crypto-actif en monnaie fiduciaire à une valeur plus importante que la valeur d’acquisition.
La notion de plus-value implique donc une véritable dépossession du crypto-actif. Il est dépensé, vendu ou échangé. En tous les cas, il est sorti de votre patrimoine.
Toutes plus-values ne sont pas imposables.
Certaines plus-values peuvent être générées dans le cadre d’une gestion normale de votre patrimoine. Si vous avez acheté des crypto-actifs en 2015 et les revendez en 2023, les plus-values qui seraient réalisées pourraient être non imposables.
A l’inverse si vous achetez et revendez très rapidement, cette plus-value pour être considérée comme relevant d’une gestion anormale de votre patrimoine. On parle alors de « spéculation ». Les plus-values « spéculatives » sont taxables à titre de revenus divers.
Il est encore possible que les plus-values réalisées soient taxées à titre de revenus professionnels si celles-ci sont réalisées dans le cadre d’une activité professionnelle.
Pour les revenus, on retrouve plusieurs types de taxation :
- Revenu professionnel : vous êtes payés en crypto-actif dans le cadre de votre activité professionnelle.
- Revenu mobilier : certaines plateformes et protocoles proposent un rendement en intérêt sur les crypto-actifs déposés. Les revenus générés par ces dépôts seront considérés comme des revenus mobiliers taxables. D’autres situations peuvent aussi aboutir à une situation taxable mais les règles applicables ne sont pas d’une clarté limpide. La prudence est donc de mise.
- Revenus divers : il est également possible d’avoir des revenus générés par des prestations occasionnelles, en dehors d’une gestion normale du patrimoine, qui seraient taxables. Dans la pratique, cette situation n’est pas souvent rencontrée.
Pour aller plus loin sur ce sujet, vous pouvez :